Ayodhya: l'apaisement, par J-P Payot, auteur de "La guerre des ruines. Archéologie et géopolitique", éd. Choiseul
Auteur de "La guerre des ruines", publié aux éditions Choiseul, Jean-Pierre Payot nous offre ici quelques éclairages sur les liens entre Archéologie et Géopolitique.
Inde - Ayodhya: l'apaisement
Trois parts égales
Le 30 septembre 2010, la haute cour de justice d’Allahabad annonçait son verdict : le site d’Ayodhya, objet de controverse entre musulmans et hindous, sera divisé en trois. Trois parts pour deux communautés qui ne cessent de s’affronter depuis de longues années. La cour prévoit qu’un tiers du site reviendra à la communauté musulmane, un autre tiers aux adeptes de l’hindouisme, tandis qu’un dernier tiers sera réservé à Nirmohi Akhara, une organisation hindoue locale. Cette répartition vise sans aucun doute à désamorcer une situation explosive à propos d’un édifice qui, du fait de l’Histoire, recouvre en fait deux lieux sacrés de deux religions. Des fouilles menées à l’intérieur de la mosquée de Babri construite au XVI e siècle avait en effet révélé en leur temps des traces archéologiques attestant la présence d’un monument antérieur érigé en l’honneur du dieu Rama. Soulevant le couvercle de l’ultra nationalisme en Inde, l’archéologie avait alors réveillé les violences intercommunautaires, faisant de nombreuses victimes, notamment à l’occasion des émeutes de 1992 qui avaient conduit à la destruction de la mosquée par une foule d’extrémistes hindous. Depuis lors, les autorités avaient tenté de « geler » le conflit en confiant à la justice le soin de départager les deux parties en opposition. A charge pour le tribunal de décider en définitive du sort d’Ayodhya.
Un verdict inattendu…
C’est désormais chose faite. Et la solution retenue est celle du compromis. A la grande surprise d’ailleurs des parties concernées. Mais, comment cela pouvait-il en être autrement ? L’enjeu de la « bataille d’Ayodhya » -un enjeu éminemment géopolitique- est tel que les juges n’ont pas pris le risque de remettre le feu aux poudres… Pourtant, cela suffira-t-il à apaiser les communautés ? Un tel verdict est-il à même de satisfaire les uns et les autres ? Rien n’est moins sûr. Déjà, la communauté musulmane a fait savoir sa « réserve » quant à cette décision. Relativement déçue par le verdict, cette dernière prévoit en effet de saisir la Cour Suprême pour faire appel du jugement. Pour l’instant, la communauté hindoue n’a pas encore clairement pris position. Mais une question se pose déjà : les éléments les plus extrémistes se contenteront-ils de ce partage ? Parmi les juges de la cour d’Allahabad, une voix s’est élevée pour affirmer que le site d’Ayodhya constituait le « berceau » du dieu Rama. Une telle déclaration ne risque-t-elle pas de ranimer les tensions ?
Et provisoire…
Comme on peut le constater, tout reste en suspend. D’autant plus que le partage effectif aura lieu dans trois mois. Le temps pour chacun de fourbir ses armes… Décidemment, le site d’Ayodhya continue de constituer un abcès géopolitique de première importance entre deux communautés prêtes à tout pour la domination du territoire. Or, dans cette lutte, l’archéologie, non seulement par sa contribution initiale, mais sans doute aussi par « l’utilisation » future qui en sera faite, demeure un instrument commode aux mains des jusqu’auboutistes.
©Jean-Pierre Payot 7/10/2010
Voir un entretien de Jean-Pierre Payot publié sur le site diploweb.com Voir
Libellés : Géopolitique, Géopolitique de l'Asie
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