9.4.07

Géopolitique de la corruption en Russie (1er partie)

Les étudiants de l'ISIT qui suivent le cours sur la Géopolitique des frontières de l'UE27 assuré par P. Verluise ont la possibilité de participer sous la forme d'une revue de la presse étrangère ou d'un exposé. Voici un exemple d'exposé sur la Géopolitique de la corruption en Russie. (3 parties)

Suite à l’élargissement de l’Union Européenne à 25 membres en 2004, la Russie, membre du G8, est à présent aux portes de l’Union compte tenu de sa situation géographique : elle partage ses frontières avec la Finlande, les pays baltes et la Pologne. Elle fait face à une corruption omniprésente et de plus en plus marquée bien que ceci ne soit pas un phénomène nouveau. La corruption correspond à l’abus de pouvoir reçu en délégation (qui peut donc émaner du secteur privé comme du secteur public) à des fins privées. La Russie a continué à reculer dans le classement de l’ONG Transparency International sur la corruption dans le monde, ce fléau étant perçu comme endémique et allant en s’aggravant dans le pays. La Russie arrive en réalité à la 121e place sur un classement de 159 pays en 2006, alors qu’elle occupait la 90e place en 2004. De plus, l’Indice de Perception de la Corruption de la Russie est 2.6 sur 10 (en sachant que plus la note est basse, plus le pays en question est corrompu).

Problématique : existe-t-il aujourd’hui une spécificité de la corruption russe ? Comment y faire face ?
I. Origines de la corruption
A) Un passé soviétique

Pour comprendre l’ampleur du phénomène dans la Russie d’aujourd’hui, il est nécessaire de regarder en arrière pendant la période soviétique. L'organisation politique de l'URSS était définie par le règne d'un seul parti, le Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) et les personnes les plus haut placées au sein du parti faisaient parti de la Nomenklatura russe. Ils bénéficiaient de privilèges et avaient accès à des services interdits au commun des mortels.
La société soviétique était en fait déjà profondément corrompue. Les fonctionnaires abusaient de leur pouvoir et géraient la rareté des biens de consommation afin de garder le contrôle sur les individus et les relations de clientélisme se traduisaient plus par du troc que par échange monétaire.
Pendant la période Brejnévienne entre 1964 et 1982, les fonctionnaires ne sont plus contrôlés d’une main de fer comme ils l’étaient sous Staline, ce qui leur laisse une marge de manœuvre encore plus importante : les réseaux se sont développés à tous les niveaux et dans toutes les provinces de L’URSS. Les dirigeants au Kremlin entretenaient certains réseaux de clientèle ; les plus grosses affaires comme le détournement du coton en Asie centrale remontaient toutes jusqu’à Moscou impliquant les plus hauts responsables de PCUS et de l’Etat.
Cependant l’absence de propriété privée limitait sérieusement les possibilités d’enrichissement personnel (il ne servait à rien d’accumuler des roubles avec lesquels on ne pouvait rien acheter et qu’on ne pouvait pas placer sur comptes rémunérés). Cette situation a donné à la corruption russe un trait particulier qui marque jusqu’à ce jour les mentalités en Russie : l’important n’est pas d’accumuler de biens mais de protéger la place qu’on occupe et d’en exclure les autres, le pouvoir des Hommes de l’appareil se mesure en pouvoir sur les gens. Et le passage à une économie de marché n’a fait que renforcer cette corruption déjà présente.

B) La transition vers une économie de marché

Le contexte de sortie du soviétisme a été favorable au développement de la corruption, il est faux de dire que le passage à une économie de marché est la cause de la corruption. Le clientélisme, le détournement de biens publics et l’abus de pouvoir étaient déjà bien installés en URSS. C’est la façon dont les acteurs introduisent les changements qui détermine l’évolution vers plus ou moins de corruption.
A l’époque soviétique la hiérarchie du parti communiste organisait la corruption et la contrôlait. La chute de l’URSS a fait disparaître les contraintes majeures qui empêchaient l’acquisition de rentes par les chefs d’entreprise d’Etat et autres fonctionnaires. L’effondrement du système soviétique s’est accompagné de la fin du monopole de la propriété d’Etat donnant lieu à de véritables batailles pour la répartition du pouvoir et des richesses.
La corruption a pris une ampleur monétaire inconnue à l’époque soviétique, jamais en URSS on n’avait vu d’argent liquide en si grandes quantités. L’argent est devenu roi et la corruption monétaire s’est ajoutée au système de privilèges de la Nomenklatura soviétique.
Malgré ces bouleversements économiques, les élites politiques et administratives n’ont pas été remplacées. Cette continuité des élites est un facteur essentiel pour comprendre la facilité avec laquelle les changements ont eu lieu et comment les apparatchiks d’hier (=membres éminents de l'appareil d'État) sont devenus les fonctionnaires et les chefs d’entreprise enrichis de la Russie actuelle.
Le passé soviétique est particulièrement significatif pour 3 aspects du clientélisme et de la corruption d’aujourd’hui :
• les administrations ont assez de pouvoir pour obliger les acteurs économiques à se soumettre à leurs lourdes procédures
• L’économie parallèle est très importante il demeure de véritables zones grises d’activité qui ne sont ni tt à fait légales ni tt à fait illégales
• Il existe une interconnexion forte entre élites politiques ou publiques et élites économiques : ces différents mondes ne sont pas dissociés.

Cet héritage du régime soviétique et la transition mal encadrée vers une économie de marché expliquent donc en grande partie les formes que prend la corruption dans la Russie actuelle.

Cyril LAUMONIER
Matthieu MESSANT
Céline ROUAUD
Héloïse ROUQUETTE
Dieynaba SY

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