9.4.07

Géopolitique de la corruption en Russie (3e partie)

III. Les solutions pour enrayer la corruption en Russie

A) Des initiatives russes

- Forum civique contre la corruption : montre la volonté des citoyens russes de s’impliquer dans la lutte contre la corruption. Situé à Novossibirsk (troisième plus grande agglomération de Russie : 1 425 600 habitants). Nombreuses actions auprès de la population : campagne d’information, sensibilisation et mobilisation des citoyens, organisation de tables rondes (rôle des médias, place de l’Etat dans la régulation de l’économie, etc.), sondages d’opinion, conseils juridiques appelle à faire pression sur les autorités locales et régionales (initiative financée par l’Agence pour le développement international (AID) des Etats-Unis !)
- 1992 : président Boris Eltsine créa l’Inspection générale du Kremlin : première de nombreuses campagnes pour venir à bout de la corruption des dirigeants. A sa tête : Iouri Boldyrev A travaillé avec zèle et efficacité : plusieurs escroqueries mises en lumière : dans les services du Maire de Moscou, au Comité d’Etat aux privatisation, dans l’armée. Boris Eltsine le renvoya : avait en tête qu’on s’attaque non pas à ses proches mais à ses ennemis politiques la lutte contre la corruption = arme politique
Mais Boldyrev continue son combat : problème : le pouvoir des médias. Les affaires qu’il révèle passent presque inaperçues en Russie (ex : 1996 : Chambre des compte découvrit que 4,4 milliards de dollars en fonds d’Etat destinés à reconstruire la Tchétchénie avait été canalisés, par l’intermédiaire de certaines banques agréés, jusque dans les poches de hauts fonctionnaires or, médias contrôlés majoritairement par des banques et des organisations commerciales étroitement liées aux personnages que Boldyrev démasque)
- tout récemment : projet de lutte contre la corruption mis en place par le ministre du Développement économique : cours de déontologie et de structure anti-corruption pour les fonctionnaires + installation de systèmes de vidéosurveillance + réseau d’informateurs parmi les fonctionnaires sera créé : Russes encouragés à appeler un numéro vert pour dénoncer les cas de corruption

B) Des initiatives européennes
Février 2007 : Russie devient le 44e membre du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), accord partiel élargi créé en 1999, qui comprend désormais la quasi-totalité des États membres du Conseil de l'Europe, ainsi que la République du Monténégro et les Etats-Unis. Une équipe d'évaluation se rendra à Moscou courant 2007 en vue d'aborder les questions de la corruption dans l'administration publique, des autorités responsables des enquêtes et poursuites en matière de corruption, de l'immunité vis-à-vis des poursuites dont peuvent jouir certains titulaires de fonctions publiques, des mécanismes visant à prévenir l'utilisation de personnes morales pour faire écran à la corruption, et de la confiscation des profits réalisés par les auteurs de délits de corruption.
A noter que la Russie avait également signé en mars 2006 la convention des Nations unies contre la corruption ainsi que la Convention pénale du Conseil de l'Europe contre la corruption en juillet 2006.
C) Limites de la lutte contre la corruption

Les normes législatives de la Russie comportent de nombreuses lacunes pour lutter contre la corruption et ses fonctionnaires jouissent de pouvoirs discrétionnaires qui leur permettent d'agir dans un espace de non droit, par ailleurs la loi russe sur la fonction publique n'a pas de norme pour lutter contre la corruption. Il n'existe pas de loi anti-corruption, ni de loi contrôlant les moyens accumulés de manière illicite. La Russie manque de structures indépendantes pour endiguer la corruption or il n'y a aucune volonté politique d'adopter les critères appliqués ailleurs.

Une loi adoptée en 1995 prévoit d'obliger les agents de l'Etat à déclarer le montant de leur patrimoine chaque année. Elle divise les agents de la fonction publique en 3 catégories : A, B et C; mais ne s'applique pas aux agents de la catégorie A, à savoir les chefs des pouvoirs législatif et exécutif, députés juges et de nombreux hauts fonctionnaires qui échappent à sa juridiction.
Par ailleurs le contrôle du patrimoine ne s'applique que aux fonctionnaires eux-mêmes, alors que la plupart du temps les biens sont au nom des proches du fonctionnaire corrompu.

Nombre de fonctionnaires profitent de leur position afin de s'enrichir par le biais de la concussion et des détournements de fonds, dans un monde des affaires où ces pratiques sont institutionnalisées.
De plus il n'est pas rare de voir un fonctionnaire demissioner pour aller occuper un poste prestigieux et très bien rémunéré dans une grande entreprise du secteur privé.

En 1994 une loi anti-corruption est votée. Adoptée par la chambre basse, elle est rejetée par le conseil de la Fédération dont les sénateurs (dirigeants des Républiques, des territoires et des régions) étaient réticents à subir un contrôle de leurs biens en devant déclarer publiquement leurs revenus et ceux de leur famille.

En Russie la corruption est présente à tous les niveaux aussi bien fédéraux que régionaux et locaux. La duplicité entre pouvoir argent constitue un obstacle majeur à la réforme de la société; et malgré le passage à un nouveau code pénal, entré en vigueur le 1er janvier 1997, on ne note pas de changement radical. En effet ce nouveau code pénal assimile concussion et corruption, et passe sous silence des pratiques telles que le favoritisme ou le fait d'être rémunéré par une entreprise parallèlement à l'exercice d'une fonction dans l'appareil de l'Etat ou encore l'octroi d'avantages fiscaux ou douaniers.
De plus le nouveau code ne prévoit aucune poursuite pour les pratiques de corruption commises à l'étranger et par les actes perpétrés par les hauts dignitaires de l'Etat.


Conclusion

La corruption est donc la résultante d’une conjoncture particulière et c’est en cela qu’elle est spécifique. La société soviétique était déjà profondément corrompue et sa transition ratée parce que mal encadrée vers une économie de marché n’a fait qu’aggraver le phénomène. Avoir recours à la corruption dans la Russie d’aujourd’hui est pratique courante et ceci concerne chaque strate de la société. Des initiatives aussi bien russes qu’européennes ont été prises pour lutter contre la corruption mais elles s’avèrent quasi impuissantes face à ce phénomène profondément ancré dans la société.
La Russie se trouve donc face à un défi colossal et il lui reste un long chemin à faire avant de pouvoir être considérée comme une démocratie par ses voisins européens.

Cyril LAUMONIER
Matthieu MESSANT
Céline ROUAUD
Héloïse ROUQUETTE
Dieynaba SY


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