6.4.06

Les relations UE/Russie. Un exposé des étudiants de l'ISIT

Le cours de "Géopolitique du visible et de l'invisible" que P. Verluise assure à l'ISIT aux étudiants de 2eme année comprend cette année deux thèmes: les visages de la guerre et les frontières de l'Europe. Chaque séance se divise en deux parties: un cours et des travaux des étudiants. Ces derniers ont le choix entre une revue de la presse en langue étrangère et un exposé. Voici un exposé fait lors de la séance du 3 avril 2006, au sujet des relations entre l'Union européenne et la Russie.

La Russie est un pays immense, dans lequel on trouve des peuples variés (100 nationalités différentes, la nationalité russe étant la plus représentée) et des ressources naturelles importantes et enviables qui sont constamment en arrière-plan dans les décisions de tous les acteurs russes ou étrangers. Ses rapports avec l’UE n’ont cessé d’évoluer au fil des ans. Avec l’élargissement de 2004 ces relations sont désormais au cœur de l’entente au sein de l’UE. Le fil conducteur de notre étude sera le suivant : UE-Russie, des relations ambiguës entre coopération et rivalité.

I. L’élargissement de l’Union européenne en mai 2004 : nouvelle donne

1) Les pays de l’Europe de l’Est ont intégré l’UE avec leurs perceptions de la Russie, modelées par l’histoire. Pour ces pays, l’occupation nazie et la dictature communiste sont des références quotidiennes : ils se sont retrouvés durant quatre décennies sous la botte soviétique et ont subi de plein fouet la domination russe. Leur intégration à l’UE leur permet donc d’échapper à cet « agresseur historique » : l’UE devient pour les ex pays soviétiques un « rempart » contre la Russie. Cependant, cette répulsion des NEM envers la Russie est un point de divergence au sein de l’UE …

2) La crise irakienne en 2003 a renforcé ce clivage : certains NEM ont accordé leur soutien aux Etats-Unis, en signant la Lettre des huit. En revanche, la France et l’Allemagne s’y sont opposées. Afin de regagner leur influence, elles pourraient s’allier à Moscou. Les NEM ont peur de la Russie et sont fascinés par les Etats-Unis: ces derniers les ont libérés du joug soviétique et les NEM ont le sentiment d’avoir une dette envers eux. Ils cherchent donc à devenir leurs alliés pour tenir à distance la Russie. Quant à l’axe Paris-Berlin-Moscou, c’est un moyen de contrer l’hégémonie américaine et d’avoir accès aux ressources naturelles russes pour la France et l’Allemagne. Du côté russe, c’est l’occasion de « s’ancrer » à l’Europe de l’Ouest et de briser les liens transatlantiques.

3) L’Ukraine est devenue indépendante en 1991, mais est toujours sujette à des pressions de la part de la Russie. Elle cherche avant tout à avoir accès aux institutions européennes et internationales. Si l’Ukraine entre dans l’UE, elle pourra s’affranchir de la tutelle russe, mais restera dépendante économiquement de la Russie. Par ailleurs, celle-ci devra alors coopérer avec l’UE et les Etats-Unis. La Pologne souhaite intégrer l’Ukraine grâce à l’appui des Etats-Unis, afin d’en faire un « tampon » pour se protéger de la Russie. En revanche, le couple franco-allemand n’est pas favorable à l’intégration de l’Ukraine.


II. La Russie aux frontières de l’Europe

1) Depuis l’élargissement, l'oblast russe de Kaliningrad se trouve entouré de pays membres de l’UE (Pologne et Lituanie). De ce fait les intérêts que peuvent porter Moscou et Bruxelles à Kaliningrad divergent. Pour Moscou, Kaliningrad joue le rôle d’avant-poste du territoire russe. Il est donc stratégiquement important de parvenir à un accord sur la question des visas pour les ressortissants russes. En effet, ces derniers bénéficient depuis 2002 d’un transit simplifié. Côté européen on s’inquiète avant tout de la qualité de vie dans l’enclave. On craint notamment que la criminalité puisse avoir des conséquences négatives sur les frontières de l’UE.

2) Une menace potentielle : les sujets sont abordés différemment chez les uns et les autres. Moscou n’aime pas se faire dicter des règles et les Européens critiquent le manque de coopération, en particulier sur des sujets délicats, tels que la corruption ou encore la question des droits de l’Homme en Tchétchénie. On a souvent reproché à l’UE de ne pas exercer suffisamment de pressions sur la Russie pour que celle-ci cesse les violations constantes des droits fondamentaux sur son propre territoire. Jusqu'à présent la guerre en Tchétchénie se déroule en toute impunité sans que la Russie ne soit sanctionnée par les institutions internationales (dont elle est membre).

3) En 2004, l’UE a développé sa Politique Européenne de Voisinage (PEV). Ainsi ses voisins proches bénéficient-ils des avantages de l’UE (stabilité, sécurité, prospérité). La PEV a également été proposée à la Russie qui l’a pourtant refusée. Moscou estime « humiliant » d’être reléguée au même rang que des Etats tels que la Moldavie. La Russie craint toutefois d’être mise à l’écart suite à l’élargissement. D’autres accords font de la Russie un partenaire non négligeable pour l’UE.


III. Interdépendances

1) Une coopération plus étroite : on observe une importance croissante des liens économiques (énergie, développement économique de la Russie) et scientifiques (aéronautique, spatiale ou nucléaire) entre la Russie et l’UE. En décembre 1997, un Accord de Partenariat et de Coopération (APC) a été mis en place, constituant le premier pas vers une coopération entre l’UE et la Russie. Il s’est cependant révélé insuffisant, et un partenariat stratégique a été jugé plus efficace pour répondre aux grands défis du XXIème siècle dans les domaines de sécurité et de paix, d’espace et d’énergie. En 2005, une étape importante vers un espace économique commun (EEC) a été franchie. Deux cadres permanents de dialogue ont été instaurés entre la Commission Européenne et les autorités russes. Concrètement, cela se traduira par une coopération plus étroite, un échange d’informations et une harmonisation des législations concernant les produits industriels. Le 15e sommet de l’UE-Russie a eu lieu à Moscou le 10 mai 2005. Des feuilles de route ont été signées afin de mettre en place quatre espaces communs entre UE et Russie. Ces domaines concernent la communication et l’économie ; la sécurité extérieure ; la liberté, la sécurité et la justice ; et enfin la recherche et l’éducation. Ce sommet a également contribué à renforcer la coopération entre les deux zones. La Commission européenne et l’Agence spatiale européenne ont lancé ensemble un système européen de navigation par satellite à l’échelle mondiale (Galiléo) en décembre 2005. L’UE espère ainsi bénéficier du savoir faire de la Russie en matière d’exploration de l’espace, tandis que cela permettrait à la Russie d’obtenir des fonds afin de mener à bien ses projets.

2) Dépendance énergétique : si l’UE est le premier marché extérieur de la Russie, cette dernière est indispensable à l’UE puisqu’elle est son premier fournisseur d’énergie. La Russie est, en effet, le premier producteur mondial de gaz et le deuxième producteur de pétrole. Elle apparaît donc comme un fournisseur incontournable pour l’Europe. En 2003, la Russie a dirigé vers l’UE 58 % de ses exportations de pétrole et 65 % de ses ventes de gaz. Elle contribue à la consommation totale de gaz de l’UE25 à hauteur de 25%. La demande européenne de gaz devrait augmenter de 50 % d’ici 2020, et la Russie pourrait fournir d’ici là 70 % du gaz importé par les pays européens. L’UE a jugé qu’elle avait intérêt à augmenter ses approvisionnements en provenance de Russie, afin de s’assurer des livraisons régulières. La Russie et l’UE ont lancé un "dialogue énergétique" (pétrole, gaz et électricité) ayant notamment pour projet de créer un centre Russie-UE pour les technologies énergétiques. Tout comme l’UE a besoin de la Russie pour ses ressources énergétiques, Moscou a besoin des technologies et des investissements européens pour accroître ses capacités de production. L’UE en tant qu’institution a limité sa participation au dialogue énergétique, et laisse le champ libre à des accords bilatéraux (ex : le gazoduc vers l’Allemagne). Début janvier 2006, l’"affaire ukrainienne" a permis aux Européens de prendre conscience de la puissance de l’arme énergétique détenue par Moscou. Elle a, en outre, révélé la diversité des situations au sein de l’Union européenne, la dépendance en volume et en part n’étant pas la même d’un pays à l’autre.

Conclusion : Depuis l’élargissement de mai 2004, la Russie est plus qu’un simple partenaire : elle est devenue un véritable voisin de l’UE, ce qui enrichit mais aussi complique la nature et le contenu des relations.

Auteurs: Charlotte KISS , Eloïse LAHERTE, Nadine REDER , Bertille SCHINDLER.
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