18.5.06

Géopolitique du visible et de l'invisible: information et désinformation par images satellites

Le cours de "Géopolitique du visible et de l'invisible" que P. Verluise assure à l'ISIT aux étudiants de 2eme année comprend cette année deux thèmes: les visages de la guerre et les frontières de l'Europe. Chaque séance se divise en deux parties: un cours et des travaux des étudiants. Ces derniers ont le choix entre une revue de la presse en langue étrangère et un exposé. Voici un exposé fait lors de la séance du 15 mai 2006 : Information et désinformation par images satellites.


Le 4 octobre 1957, l’Union Soviétique met pour la première fois un satellite artificiel en orbite, Spoutnik. L’exploitation scientifique du satellite appartenait alors à l’avenir, mais Spoutnik était un symbole, celui qui devait amorcer l’essor des applications spatiales . Aujourd’hui, environ 2500 satellites tournent autour de la Terre. Grâce à une meilleure compréhension des lois physiques de l’espace, un véritable savoir-faire s’est développé en matière de conception, d’assemblage, et d’exploitation des satellites artificiels. À quoi servent exactement ces satellites ? D’abord, à nous informer sur l’évolution et la géographie de la planète. Ils jouent aussi un rôle important pour l’aide à la navigation maritime, le contrôle de la circulation, ou les missions de sauvetage. Enfin, les satellites fournissent des données stratégiques.
Les images fournies par les satellites sont utilisées dans le but d’informer, et/ou de désinformer. L’information, c’est le résultat d’une analyse et d’une interprétation de données reliées entre elles dans un contexte défini et en fonction d’un modèle préconstruit, souvent sous forme de message. Elle est susceptible d’apporter une connaissance. Il s’agit de bien différencier désinformation et mésinformation. La désinformation est une information mensongère, dénaturée, censurée sciemment. Il s’agit d’une entreprise ponctuelle ou systématique, mais toujours délibérée et programmée. La mésinformation, en revanche, désigne un défaut d’information ou une mauvaise information. Son origine peut être l’ignorance et/ou la désinformation. Elle est pratiquée sans l’intention de mentir ou de nuire.

Comment les images par satellites peuvent-elles être utilisées et/ou détournées ? Représentent-elles un outil suffisant pour se prétendre bien informé ?

I ) L’information : l’exemple d’HELIOS
Le CNES : Le Centre National d’Etudes Spatiales est l’organisme qui a pour mission de préparer et proposer au gouvernement les programmes d’intérêt national dans le domaine spatial. Cette responsabilité inclut la conduite et la mise en œuvre du programme spatial militaire. Cette étroite coopération est conduite au sein du Groupe de Coordination Espace, présidé par le Chef d’Etat Major des Armées. Le CNES est depuis 1993 placé sous la co-tutelle des Ministères de la Défense et de la Recherche.
L’intérêt des satellites : le recours aux satellites permet d’observer en toute indépendance et en tout lieu, sans risquer de violer l’espace aérien des pays observés. Parmi les nombreux moyens consacrés à l’imagerie, le satellite d’observation militaire HELIOS occupe une place à part, notamment en raison de ses caractéristiques d’emploi et de ses performances. Cependant, son caractère de satellite gouvernemental n’a pas permis de mettre sur la place publique la totalité des services rendus.
HELIOS : Le premier satellite HELIOS a été lancé le 3 juillet 1995. Le système HELIOS I est un système militaire d’observation optique par satellite destiné à acquérir des images dans le spectre visible. Ses capacités ne dépassaient pas l’observation de jour et par temps clair. Le programme HELIOS I a été décidé par la France en 1986. Il a été mené en coopération internationale avec l’Italie et l’Espagne. Le programme, outre deux satellites, comprend un centre de contrôle implanté à Toulouse, des centres de réception et de traitement des images dans chaque pays et un centre de commandement du système situé à Creil.
Le satellite HELIOS II a été lancé en décembre 2004. HELIOS II fonctionne dans les domaines non seulement visible, mais également infrarouge et fournit des images de jour comme de nuit, et par tous les temps. Ce nouveau système permet aussi le ciblage, la préparation de missions et la vérification des dommages de combat. Remarquable succès, le programme d’observation de la Terre HELIOS constitue la première pierre à l’édifice d’une défense européenne.

II ) L’imagerie satellitaire civile : l’exemple de SPOT
L’imagerie satellitaire civile a commencé aux Etats Unis, avec le lancement du projet Landsat par la NASA en 1972. Bien qu’elle n’ait au début un but quasiment uniquement géographique (aide à l’établissement d’une carte géographique corrigée), au fur et à mesure des avancées technologiques, de la meilleure définition des images obtenues, elle prend de plus en plus d’importance. Le rôle de Landsat, programme de la NASA, ne sera pourtant reconnu par le Congrès Américain qu’en 1992, qui vote le « Land Remote Sensing Policy Act » qui autorise l’accès aux données et aux images satellites au plus bas coût, et le lancement de Landsat 7.
Spot, décidé en 1978 par la France, est réalisé par le CNES, en collaboration avec la Belgique et la Suède. Il est composé d’une série de satellites et d’infrastructures terrestres pour le contrôle et la programmation des satellites et la production des images. Le premier satellite (SPOT 1) est lancé en 1986. Le dernier est date Spot 5, a été conçu en synergie avec HELIOS II a été lancé en 2002.
Les images satellites Spot sont commercialisées par la société Spot Image.
Spot, s’étant associé à plusieurs programmes, peut aujourd’hui remplir une multitude de missions concernant aussi bien la Défense que l’agriculture ou la cartographie… Récemment, Spot a fait ses preuves au cours des dernières catastrophes naturelles, comme le tsunami qui s’est abattu sur le sud-est asiatique en décembre 2004. En accord avec la Charte « Espace et Catastrophes Majeures », le CNES a coordonné les images de SPOT et les produits satellites du SERTIT de Strasbourg, et a ainsi permis une estimation rapide des dégâts, des zones touchées par la catastrophe, et ainsi aidé au travail des sauveteurs. En moins de 3 semaines, 7906 images ont été obtenues.
En complément de l’imagerie satellitaire gouvernementale, l’imagerie satellitaire civile offre au public une image satellite haute résolution de qualité accompagnée d’explications, afin de comprendre ces images. Elle est ainsi diffusée par les médias et permet une information de l’opinion publique

III ) La désinformation : l’exemple de la Guerre du Golfe
Les illustrations les plus criantes de l’utilisation détournée des images satellites sont sans aucun doute les deux Guerres du Golfe. La première invasion de l’Irak par les Américains en 1991, puis celle plus récente de 2003, se fondaient en grande partie sur des images satellites supposées montrer, dans le cas de 1991, que l’Irak menaçait l’Arabie Saoudite et en 2003, que ce même Irak disposait d’armes de destruction massive. Cependant, les photos satellites de 1991 prouvaient-elles réellement que l’Irak s’apprêtait à envahir l’Arabie Saoudite ?
Le 11 septembre 1990, le Président George Bush annonce l’envoi massif de troupes américaines dans le Golfe. Preuve de la menace irakienne sur l’Arabie saoudite : des photos satellites que personne ne verra jamais. Selon le Ministère de la Défense américain, 1500 chars et 250000 soldats irakiens menaceraient l’Arabie Saoudite. Or, des photos satellites prises le même jour par un satellite commercial soviétique montrent que cette menace irakienne sur l’Arabie Saoudite n’existe pas.
Fin décembre 1990, un journal local américain, le ST Petersburgh Times, achète les fameuses photos. Un journaliste, Jean Heller, les soumet à 2 experts en analyse de photo satellite : un physicien nucléaire et un ancien spécialiste d’images de la DIA (Defense Intelligence Agency). Les photos révèlent clairement l’importance de la présence militaire américaine à l’aéroport de Dahran ; en revanche, les deux spécialistes ne voient du côté irakien « aucun ensemble de tentes, pas de rassemblement de chars ni de troupes, et la plupart des bases aériennes koweïtiennes semblent désertes. »
Début janvier 1991, J. Heller demande au Ministère de la Défense des preuves autres que les photos satellites pour justifier l’invasion. Il essuiera un refus pur et simple. Le 6 janvier 1991, il publie le résultat de ses recherches. Aucun média américain ne voudra y faire écho. En Europe également, on fera le silence sur ces photos auxquelles on avait si souvent fait référence avant le début de la guerre, et qui se révélaient finalement bien gênantes.
Le même schéma s’est reproduit fin 2002, lorsque les dirigeants américains ont prétendu être en possession de photos satellites prouvant que l’Irak possédait des armes de destruction massive, mais les troupes ne se sont pas retirées pour autant et ne semblent pas prêtes à le faire dans un avenir proche.


Bien que l’image satellite ait des atouts indéniables qui font d’elle une source d’information de premier ordre, elle comporte aussi des inconvénients, qui font qu’elle est toute aussi porteuse de risques qu’une autre image : elle peut être manipulée, falsifiée, elle dépend de sa légende, du lieu, de l’évènement qu’elle présente… La véracité d’une image reste somme toute subjective, et les médias sont parfois sous contrôle des autorités, afin de modeler l’opinion et de la faire adhérer aux décisions qui peuvent être prises (comme le montre l’exemple de la Guerre du Golfe). En somme, la liberté des médias est relative car elle aussi a ses limites.

Ressources
:
. Hervé COUTEAU-BEGARIE , Les Médias et la Guerre , coll. Bibliothèque stratégique, Paris, éd. Economica, 2005, ISBN : 2717849564
. http://www.cnes.fr/
. http://www.assemblee-nationale.fr/rap-info/i3219.asp
. http://www.college.interarmees.defense.gouv.fr/recherche.php3?recherche=satellite+information
. http://www.spotimage.fr/html/_.php
. http://sertit.u-strasbg.fr/documents/asie/indonesia.htm

Auteurs : HERON Bénédicte, HORGUE Marilys, LOMBARDELLI Tiphaine, SOYER Charlène.
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